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« J’ai eu très peur avant de monter sur scène et puis quand j’ai commencé, je pouvais plus m’arrêter. Et là 200 personnes ou 5000 c’était pareil ! » Enzo n’a pas gagné le concours Y’ a d’la voix qui est passé un samedi soir par Noeux-les-Mines mais « c’était cool ». « Trois jurés se sont retournés et ils ont trouvé que j’avais un bon grain de voix. » Il sait qu’il n’a pas une « voix super puissante qui te fait te dire que ton métier ce sera chanteur. » Mais il aime se produire devant des spectateurs et rêve d’un groupe : « En même temps, c’est pas simple, je travaille toute la semaine et le week-end, je veux rentrer chez moi... J’avais essayé de faire un duo avec un pote mais ça n’a pas marché. »

Comme attendu, son bac blanc s’est bien passé (16 en maths, 14 en SVT) avec une moyenne à 15.8 contre 15.6 le trimestre précédent et son orientation est fixée avec une première année de médecine : « Je ne sais pas encore pour quel métier exactement. Je sais juste que ce ne sera ni dentaire ni pharma. C’est un vrai choix, médecin. T’imagines, dans quelques années, je serai peut-être devant quelqu’un qui sera entre la vie et la mort... Si t’as pas envie de le faire, ça peut pas marcher. » Il sait autre chose : il ne sera pas un « médecin-robot qui délivre ses ordonnances sans regarder les gens ». « J’ai toujours eu de l’empathie, j’aime le contact avec les autres. On change beaucoup au lycée, c’est une période déterminante. Si je regarde des conversations que j’avais en seconde, je me dit que je n’étais pas le même gars. J’ai appris à apprécier ce que j’ai et pas à me pourrir la vie pour ce que j’ai pas. On change beaucoup et, en même temps, l’essence de ce qu’on est ne bouge pas. Je suis sûr de n’être jamais un médecin qui sera loin des gens. »


L’année prochaine, Enzo ne prendra pas d’appart à Lille : « C’est trop cher, je ferai l’aller-retour plutôt. » Plus tard, il se verrait bien en colocation : « Il reste moins de trois mois avant le bac, avant la fin. Je sais déjà avec qui je resterai en contact même si, évidemment, ça me fera bizarre de ne plus voir les autres. »

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ENZO

On est chez elle, à Escaudain, entre tasses fumantes et canapé confortable. Timide, touchante, sa maman nous propose des pâtisseries, assure que non elle n’a jamais rien fait de particulier. Ses deux filles sont nées comme ça, fortes en tout. « Particulièrement Jade, qui a aimé être bonne élève dès la maternelle. » D’ailleurs son bulletin flashe des  «excellent » à chaque ligne et se conclut par un nouveau record : une moyenne à 19,02. Le bac blanc ? Un 20 en maths, un 17 en SVT... et un petit stress d’avoir raté. Jade telle qu’en elle même, donc.


Avec ses doutes, son sourire et son incroyable volonté d’élève qui n’a jamais connu la honte d’une mauvaise note. Sauf qu’il y a comme une petite nervosité dans l’air : « Il y a eu beaucoup de changements ! », confirme-t-elle. Poussée par son prof de philo -« J’y aurais jamais pensé, j’avais même visité l’internat de Douai » - elle a demandé à entrer en prépa littéraire à Henri IV, le célèbre lycée parisien, au top du classement national. Un choix qui change les perspectives, qui réoriente les possibles. Paris, l’élite, le rythme de la prépa. « Je serais en internat... Moi qui suis boursière, j’avais peur que ce soit bourge mais le copain d’une amie de la danse m’a assuré que non, qu’ils accueillaient tout le monde.» Sa mère l’écoute avec un sourire crispé: sa fille de 17 ans loin, toute seule... : « La prépa est aussi encadrée qu’un lycée, il y a des limites de sortie, des études obligatoires et puis deux ans dans une vie c’est pas grand-chose. Enfin, je dis ça mais j’ai très peur! Et puis, je ne suis pas encore prise. »


Oui, elle a de l’appréhension, beaucoup même mais il brille en elle une « envie de découvrir le monde », de « voir autre chose ». « Je veux toujours être avocate mais je ne sais pas trop comment faire pour la suite. » Avec un petit soupir, sa maman parle du papa qui serait fier, lui dont le visage de bel homme d’allure sportive se voit en photo dans le salon. « Je me dis qu’il le sait, sinon c’est pas la peine. » 

JADE

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EMELINE ET KEVIN

L’horloge s’accélère au conservatoire de musique. C’est pourtant l’heure habituelle du cours de solfège d’Emeline, mais il ne reste plus que deux mois et demi avant le bac. Pas de répit pour le jeune couple, après une grosse semaine de bac blanc, ce premier marathon d’épreuves. En amont, trois lourdes semaines de préparations intensives. Suffisant ? «J’avais peur mais ça s’est bien passé» dit-elle ; «moi, moins bien», sourit-il. Les premières notes le confirment. Kevin craint de perdre ses moyens, le jour J : «Je stresse plus devant la copie, Emeline avant.»


Deux semaines de vacances, quand même, pour souffler ? «Non, on se détendra après le bac. Là, on entre dans le dur. Mais on ne va pas bosser de 8 h à 23 h, on va s’aménager un planning de révisions.» Au bout du tunnel, une bringue programmée après les épreuves «avec le peu d’amis qu’on a», puis deux semaines estivales en Camargue avec les parents d’Emeline. Pour reprendre vie. Cette vie, pour l’instant, «c’est les cours.» Mais il y a cette «grosse nouvelle». Emeline l’annonce solennellement : «On va prendre une colocation.»

Dans sa chambre, Charles a tout choisi: les couleurs des murs, du sol, les meubles... tout. Du coup, elle lui ressemble : reposante au premier abord avec beaucoup de fantaisie dans les détails. On y découvre sa copine Camille et leur belle complicité, son goût pour les magazines scientifiques, ses multiples coupes de tennis, la Bible... : « Je ne suis plus croyant depuis le lycée... Je réfléchis tous les soirs et je n’ai pas réussi à me persuader qu’il y avait un Dieu. » Il y a presque tous les Jules Verne aussi: «On dirait qu’il parle de nouvelles technologies, c’est super innovant ! »


Comme tous les autres, Charles a reçu son deuxième bulletin -qui est très bon- et ses premières notes de bac blanc : «J’ai eu 20 en maths et 10 en SI. Pour moi, ce n’est pas une bonne note. Avant quand j’avais 11 ou 12 j’étais content mais cette année j’ai décidé de bosser, même s’il y a toujours des matières où je ne révise pas! Le fait d’être dans une bonne classe a dû me stimuler. » Pour l’an prochain, Charles a demandé une prépa MPSI (ex Maths Sup) au lycée Wallon à Valenciennes : « On m’a dit qu’à Faidherbe, à Lille, ils s’occupaient surtout des bons élèves. Là, je sais qu’on sera tous bien encadrés. Je serai entouré de plus de Jade et d‘Emeline, il faudra faire la différence avec les langues et la philo, ce ne sera pas facile pour moi! Et puis, je vais être en internat, il faut commencer à couper le cordon... »


Après, ce passionné de pédagogie hésite toujours entre ingénieur ou prof de fac. « Je pense qu’il ira plus haut que moi ! », sourit son papa, un retraité attentionné et chaleureux qui a travaillé pendant 35 ans au standard de la Carmi de Valenciennes.

« Il me parle parfois de choses que je comprends pas, vous imaginez ? On est vraiment fiers de lui ! »

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CHARLES

«On va faire une coloc»

«On est allé aux portes ouvertes de l’école de médecine et on a changé d’avis: on nous a dit que deux heures de transport, tous les jours, c’était trop avec la charge de travail. Du coup, ma mère va acheter une maison ou un appart et on va faire une coloc.» Le lieu a déjà été méticuleusement repéré : ce sera «à 2,3 km de la fac, soit dix minutes à vélo», calcule Kevin. Un sacré pas que le jeune couple anticipe entre excitation et angoisse. Emeline, surtout : «C’est un peu flippant, on a toujours été habitué à la maison… Mais on rentrera le week-end !» «Partir, ça va nous faire drôle», acquiesce Kevin. Oui, mais vous aurez votre indépendance... «Je ne pensais pas l’avoir si jeune, coupe celle qui vient de fêter ses 16 ans. Au moins on sera ensemble, toute seule je n’aurais pas réussi. » Sauvée également, en perspective, par le restau U plutôt que les «petits plats» de Kevin: «Moi, je sais juste mettre au micro-ondes…», sourit-il.


Les deux ont déjà fait un bond de six mois. «La médecine, on ne pense plus qu’à ça. On va enfin faire ce qu’on aime vraiment.» Mais avant, il y aura juin et le bac. L’échec devient encore moins envisageable. «Toi, t’es sûre de l’avoir mais moi…» «Tu as 14 de moyenne, il n’y a pas de raison ! ».

Alors que leurs voeux d’orientation viennent d’être envoyés, les sept élèves de la terminale S du lycée Kastler que nous suivons depuis la rentrée ont affronté leur premier bac blanc. Avec plus ou moins d’enthousiasme. D’autant que tous ont déjà en tête la prochaine rentrée et un avenir qui se dessine de plus en plus en dehors du lycée. Voici leurs récits, toujours aussi drôles et sincères.

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Avec une franchise toujours aussi désarmante, Alexandre avoue qu’en classe « il s’ennuie » : « J’ai le bac en vue, c’est tout. Le bac blanc je m’en fiche un peu et d’ailleurs ça a été sans plus... Et puis, je savais à quoi m’attendre. Les profs sentent que les doublants sont moins motivés mais franchement c’est dur de s’intéresser à quelque chose qu’on a déjà vu. » Il continue le sport, judo et MMA, et est, surtout, pressé de reprendre le boulot au Décathlon de Rouvignies : « On est une bonne équipe, j’apprends plein de nouvelles choses. Au moins là, tu comprends pourquoi t’es là, c’est concret. »

Alexandre

« C’était bien mais des fois un peu long. » François file sur ce « bac blanc qui s’est bien passé, sauf (naturellement) en physique chimie ». Le lycéen est « toujours stressé au minimum et détendu au maximum ». François nous étonne une fois de plus lorsqu’il aborde son avenir. L’indécis est formel : « J’ai trouvé, quand même, finalement. Ce sera un DUT gestion des entreprises et administrations (GEA) à Valenciennes, puis une licence pro et un master. Pour la gestion de banques ou d’hôtels. » Volte-face, on est bien loin du précieux jardin... « Ma mère m’a trouvé ça. Ça me plaisait, donc on est parti sur ça. Et puis il fallait bien faire des admissions postbac. » Mais François, à peine rentré d’une semaine de plages à 30ºC en Républicaine dominicaine, pense déjà plus aux voyages : « Je voulais qu’on parte au Mexique mais après les attentats de Zaventem… » Plutôt qu’au bac : « Je stresserai un peu avant, sans doute, de quoi attraper deux ou trois boutons. »

François